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éléments d'un parcours
(résumé biographique)
glanées du journal :
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nuages / la vie comme chance / lâcher prise
(15 fragments)
écoute / forme / plastique / peinture
(15 fragments)
Ramper vers la lumière
(petite prose)
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extrait de presse:
L’expression libre de Bernard Jeufroy,
peintre et poète
Josée Couvelaere  (La Page Octobre - Décembre 2004)

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Josée Couvelaere

L’expression libre de Bernard Jeufroy, peintre et poète

j.bullot

La page n° 65

Octobre - Décembre 2004

C’est à l’occasion des “Étés de la Vienne” que j’ai découvert la peinture abstraite de Bernard Jeufroy. Les sens en éveil, Bernard s’abreuve d’images, d’odeurs, de sensations et peint après coup ce que le souvenir retient. De retour des Pyrénées, où il aime faire de grandes randonnées en solitaire, il s’émerveille : “Les couleurs sont un choc en montagne, je suis saisi par la crudité des lumières et l’audace des gammes naturelles, certains tons de roche et d’herbe sont un paroxysme.” La couleur joue un rôle de révélateur, elle aide à quitter la représentation et à dévoiler l’au-delà de l’apparence. Sa peinture est marquée par le tragique de l’existence, celui d’une société tendue vers la vitesse, le profit, l’ambition ou la prouesse, toutes choses violemment ressenties et vécues dans la souffrance. Tout comme le soleil donne des reflets au monde minéral mort, la peinture est le fil continu du rêve, de l’espoir d’un monde qui n’est pas totalement fermé à l’amour.

La page n° 65

Octobre - Décembre 2004

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L’exaltation théâtrale

Dès l’enfance, passée au Maroc et à Madagascar, Bernard sait que le dessin et la peinture sont sa raison de vivre. Mais il est obligé d’abandonner sous la pression familiale. De ce renoncement, vécu comme une mutilation, il ne se remettra que bien des années plus tard, quand il vivra une expérience fulgurante avec le théâtre. Il a alors vingt et un ans et rompt définitivement avec sa famille, ses études et la carrière à laquelle on le destinait. Il n’a pas d’argent mais vit enfin en homme libre. Ce retour à la vie, il le doit à Yorgos Sevasticoglou, metteur en scène qui animait une école de théâtre à la Cité universitaire. “ Dans ce Paris très animé des années 1970, le théâtre m’a donné une formation complète, j‘ai pu m’épanouir et découvrir mon corps, ma voix, l’écriture, le jeu de l’acteur, la musique...J’ai aussi appris à fabriquer des décors, à m’occuper de la régie et de la lumière”. Ce théâtre engagé a opéré une sorte de catharsis. “Ma carapace a fondu, j’ai pris feu” me confie-t-il. Malheureusement, à partir des années 80, le marché s’est emparé du théâtre. “Je ne voulais pas entrer dans ce système, j’ai préféré arrêter pour préserver la spontanéité”. Actuellement, grâce à des cours de français donnés le soir et qui lui assurent sa subsistance, il se consacre entièrement à la peinture, à la poésie et au dessin. “La peinture a pris le dessus, elle est toute ma vie”.

Les zèbres et les mires

Bernard me parle de l’influence des grands “dessinateurs” comme Picasso, Raphaël, Rembrandt, Soulages, et des sculpteurs comme Chillida et Calder. Ses dessins abstraits, réalisés à l’encre de Chine, captivent par la pureté de leurs lignes, tels les “zèbres”, dessins basés sur le contraste noir et blanc. “Les zèbres sont des gens déguisés en nuage”. La mer, les nuages, l’écume dans le sillage des bateaux sont des souvenirs d’enfance qui ressurgissent à son insu. A propos des dessins figuratifs, il évoque les cours d’Esther Gorbato, où les artistes devaient saisir au vol le mouvement de danseurs nus. “Au bout de plusieurs séances, un seul trait de pinceau met tout en place, comme par miracle, le dessin est accompli, harmonieux.” Sa maîtrise du dessin rappelle les danseurs de Matisse. Avec les Mires, Bernard nous propose des poèmes imprimés directement sur le dessin. Les “mots durs et les mots doux”, comme les zèbres, sont striés de noir et blanc, “ils retroussent le bâillon.” Par le rêve, il nous invite au voyage, clin d’œil à Baudelaire que le peintre-poète admire, à Mallarmé et son “ coup de dés ” ou Segalen, le grand voyageur. Pour Jeufroy, la peinture est l’arche qui va permettre au reste de voguer. Les mots viennent se greffer dessus. “L’écriture me fait tenir debout, elle me donne la force d’avancer, de résoudre les crises, de “déligoter”. Les mots sont comme ces “pierres entre lesquelles ricoche un rai de lumière, zigzague un cri.”
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ELEMENTS D'UN PARCOURS :

Enfance nomade, nord-africaine et africaine :

né au Maroc en 1948 où je séjourne jusqu’à l’âge de 14 ans.

Quatre années ensuite à Madagascar, deux au Bénin.

Dès l’enfance je sais que le dessin est pour moi une voie privilégiée. Mais des études très conventionnelles, classiques, rigides ne laissent que peu de place à la créativité.

La douloureuse frustration causée par cette intolérance perdure jusqu’à ma vie étudiante, moment qui correspond au début de mon séjour parisien : multiples révélations, pour un adolescent confiné, dues au foisonnement de la vie du Paris d’alors (1969).

Dès lors je change de cap. Je ne suivrai pas la carrière à laquelle mon diplôme acquis me destinait.

De là commence, de façon imprévue, une longue expérience théâtrale.

Travail de troupe durant 10 années. Avant tout découverte de mon corps, inconnu, délaissé jusque là.

Espace, voix, jeu de l’acteur, textes, décors, pratique musicale et instrumentale (contrebasse). Découverte de la modernité des répertoires anciens : Aristophane, Shakespeare, Tchekhov, Stanislavski, etc. Expérience complète et bouleversante. Mon «accoucheur» en la matière est le metteur en sène Yorgos Sevasticoglou.

Mais je n’oublie pas mes premières aspirations : devenir peintre.

Parallèlement, fréquentation assidue de l’Ecole des Beaux-Arts où j’ai suivi pas à pas, dans les ateliers, une formation académique (Marcel Gili) ou participé à des expériences novatrices (Esther Gorbato).

C’est une fois les repères du dessin figuratif solidement assis que j’ai pu aborder une approche de l’abstraction.

Cela fait maintenant 25 ans que je pratique la peinture.

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Bec et ongles. S'user coudes et genoux, gagner, millimètre après millimètre, photon par photon.

Ramper vers la lumière.

La source infime refuse son filet de fraîcheur.

Repartir dans le rire : heureusement l'air coupant nous brûle à cette promenade de sourcier.

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Grillon dans la poussière.

Demain sera jour meilleur.

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NUAGES/ LA VIE COMME CHANCE / LACHER PRISE

Peindre, dessiner, c’est à dire prendre le contre-pied de ce que nous disaient nos parents pendant notre enfance : “Ne rêvasse pas, ne regarde pas les nuages !”

Je rejoins à ma manière Zeno Bianu avec son : “Lâchez enfin la proie pour l’ombre !”

ou Mandelstam : Dans le pain-couronne l’important c’est le trou ! (Mandelstam disant que le pain étant mangé, seul reste le trou, la couronne a disparu)

Voilà le chas, voilà le trou par où passer !

Tout est dans les nuages.

L’utilitaire triomphe, pourquoi, du coup, ne pas se sentir raffermis dans notre improbable poésie ?
L’espèce cossue des marchands érige ses piles de tapis à perte de vue.
L’illuminé accomplit son orbe (caillou jouant les comètes au firmament), une carpette délabrée pour tapis volant.
D’un côté les pragmatiques imposant leur juteux désordre, de l’autre l’ordre des cigales, des nuages, de la lune, de la lumière.

L’oeuvre est un rêve et la personne de l’artiste une fiction.

On dira : une fiction n’est que du papier.
Mais la réalité est encore moins que du papier.
Le concret est plus invraisemblable, plus impalpable encore.

Le sujet prend place, exit le personnage.

Etre ouvert à la chance mais sans la rechercher ou s’en languir. On est, sinon, dans la situation de chercher ses lunettes en les ayant sur le nez : dans le ligotement qui l’interdit, dans l’ornière de l’ennui.

L’ordre de la chance, la seule morale du vagabond, excluant la haine, la promiscuité, redistribuant toujours.

Le moyen de voir les lunettes introuvables n’est pas de les rechercher partout pour buter sur leur inexistence.

Questionner l’étagère, le tiroir, la table, la commode où elles ne sont pas, n’est pas la bonne méthode : c’est le rideau de l’apparence qu’il faudrait soulever.

C'est pourquoi les caméras du monde entier sont inutiles au delà des volets clos de nos yeux, de nos oreilles. Aucun sens ne pénètre la vacance de notre écoute.

Jeux de clapets, de caches, d’oeillères, diversion et passe-passe qu’efface une tourne-page à l’unisson.

Nuages, châteaux de cartes, châteaux de sable.

Un nuage n’est ni du vent, ni de la fumée.

Les nuages sont des architectures, des centrales, des structures industrieuses. Puissantes tuyères se renouvelant continûment de la base au sommet, théâtre d’une invisible, constante activité.

Cheminées qui tirent bien vers le haut.

Cariatides.

Si tu veux la chance, abandonne, jette ! Jette les dés !

Dissoudre les a priori ? S’imaginer pouvoir être vivant ? Quel présomptueux !

Source : jet frais de création que la main veut toucher !

La chance rayonne dans l’inadvertance. Elle est une Euridice changée en statue de sel quand la volonté en fait son point de mire.

Gare à la chute au fond de la trappe de l’ego !

le hasard vrai, le hasard faux,
le hasard vrai, le hasard faux,
le hasard vrai, le hasard faux,
je me sens dépassé, alors retournons à nos casseroles :
le hasard vrai : la négation du lieu commun.
le hasard faux : la confirmation du lieu commun.

La chance est un ordre inconscient de l’esprit, une disposition fluide, ouverte.

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ECOUTE / FORME / PLASTIQUE / PEINTURE

Peindre, dessiner : recherche éperdue de la présence.

Saisir dans l’abandon. Ne s’en rendant compte qu’après coup. Trop tard pour agripper, doutant même de ce qui s’est produit et qui est pourtant là.

Dans la notion de balade, décision et contemplation ne sont plus en opposition. La promenade est le juste lieu du “trouver sans chercher”.

Le métier d’une araignée :
la peinture est une sorte de tissu. Il nous faut ne pas lâcher le fil que, lentement, nous secrétons. Hors de cet équilibre la malheureuse funambule part à la renverse.
Fil continu de l’éveil, à tisser. Non pas à tenir (personne ne le détient), ni à retordre, ni à broder, le fil du plaisir.

Dans notre musée imaginaire, la forme légère mais solide, qui ne repose pas dans le marbre mais reste fortement ancrée en nous. Quelques traces sur du papier : comme un sens vital à la survie de notre liberté, de notre nature.
Là est sa valeur. La forme est une mémoire appelante, pour éveiller une autre mémoire nichée en nous. Noeud dans un mouchoir, dont il est vain de déplorer d’en avoir oublié le pourquoi. Preuve, présence, appui.

Tout est dans l’écoute.
Non, ce n’est pas la musique qui adoucit les moeurs. On la mène là où l’on veut, à son contraire, on l’instrumentalise, on en fait un étendard, un glaive, une rhétorique.
La musique n’est pas dans la représentation. Elle naît de l’écoute. Et c’est l’écoute qui transfigure les moeurs.

La contemplation est une interrogation, une confrontation avec le mystère.
Au contraire du regard voyeur en quête de jalons.
C’est ce qui différencie la lecture, ouverte, de l’information, avide de réponses.
On lit rarement quand on s’informe. La lecture prend place dans l’encoignure, rêvassant (c’est l’ - in angulo con libro - de Pascal Quignard).
Entrant dans un texte, une oeuvre, la laisser agir en nous.

Le lecteur pressé, le créateur pressé : des OVNI, des cocottes en papier, des chimères. La dernière pluie a filtré de toute l’épaisseur du temps.

La nudité permet de quitter la mémoire pour la présence, se tremper de réalité.

L’essentiel est la chose que systématiquement l’on perd. On doit sans cesse y retourner, le retrouver, le revivifier. Inconnu de toujours et dernière nouveauté.

Peindre passe outre.
Le geste ignore le scrupule. Il ne réfléchit pas plus qu’un enfant dans l’exploration de ses jeux.
L’acte est sans raison.

De la poésie, c’est à dire de l’injustifiable.

Une logique en forme de poire. La logique non comme absolue, mais destinée, particulière.
La plastique qui la contient la propose comme un fruit.

Quitter la représentation qui partage, aller à la présence.

Le fruit, à la fois offre et désir : double attente.

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